Depuis 1724 l’on cherchait à établir un pont sur la Garonne. Un jour, on proposa au maréchal de Richelieu d’attacher son nom à la construction d’un pont bordelais : « Vous aurez, lui disait-on, la gloire d’en poser la première pierre. » – « J’aimerais mieux, répondit- il, en voir poser la dernière. » Cependant, la difficile entreprise ne parut pas insurmontable…
En 1772, l’Intendant Général des Finances M. de Trudaine avait conçu le projet d’établir des ponts en pierre sur la Garonne et la Dordogne pour faciliter les communications entre Bordeaux et Libourne. L’Ingénieur en Chef Le Ragois Saint-André reçut l’ordre de visiter tous les ouvrages du même genre exécutés en Angleterre, en Hollande, en France et de consigner ses observations dans un rapport. Saint-André jugea possible la construction d’un pont en pierre. D’après lui ce pont aurait dû avoir dix-neuf arches et une longueur de 732 mètres, car à cette époque la Garonne s’étendait davantage sur la rive droite. Ce projet fut soumis à l’Intendant de la Guyenne, la dépense évaluée par l’auteur à 10 millions de Louis d’Or effraya l’administration et l’idée même du pont suscita les doléances de certains commerçants bordelais qui redoutaient un péril et une gêne pour la navigation. N’oublions pas que les chantiers navals de Sainte-Croix se trouvaient en amont du projet !
Il n’en fut pas moins porté devant le Conseil des inspecteurs généraux des Ponts et Chaussées : de Voglie, ingénieur expérimenté, fut chargé d’inspecter les lieux, et il revint persuadé qu’un pont de pierre sur la Garonne rencontrerait des obstacles insurmontables. Cette opinion fut partagée par le célèbre Perronet, dont les avis faisaient autorité, et qui déclara l’entreprise hasardeuse sans méconnaître, d’ailleurs, son utilité. L’administration des ponts et chaussées insistait en 1776 sur la construction d’un pont en pierre et prétendait le construire d’après les idées de l’ingénieur M. Valframbert. M. de Tourny y avait bien réfléchi mais mal appuyé et presque jamais encouragé car souvent contrarié par les jurats et le Parlement, il recula devant ce travail gigantesque que les circonstances d’alors paraissaient rendre impossible.
On proposa plusieurs projets, entre autres celui d’établir des bateaux reliés les uns aux autres et fixés par des piles en charpente. L’intendant Dupré de Saint-Maur avait adopté cette idée en 1782, émise et défendue par un sieur Chevalier, avocat au Parlement ; mais les directeurs du commerce de Guienne s’y opposèrent énergiquement comme allant nuire au commerce, à l’agriculture et à la grande navigation. Le corps de ville désirait établir un pont sur bateaux liés entre eux par des chaînes et tenus aux extrémités par des ancres !
Une autre idée vînt, celle de reporter le fameux pont à Langon, en détournant ainsi les voies routières pour que la route de Paris à Bordeaux passe par Périgueux, Bergerac et Langon ; celle de Bordeaux à Agen et Montauban, celle de Bordeaux à Limoges et enfin celle de Bordeaux à Lyon par Clermont. Ce fut ensuite la Chambre de Commerce de Guyenne, dont les Directeurs réclamèrent la construction d’un pont sur la Dordogne à Cubzac, qui enterra le projet. Et avec la Révolution, la Terreur et la perte de nos colonies américaines qui s’ensuivirent, de l’eau coula sous les ponts avant qu’on en reparle !
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