Le menaçant Palais de l’Ombrière

Le Palais de l’Ombrière – tient son nom de l’ombre faite par les grands arbres qui formaient une avenue sur la Place du Palais – était la résidence des ducs d’Aquitaine. Il a été construit progressivement à partir de la fin du XIe siècle à l’angle sud-est de l’enceinte gallo-romaine. En intégrant cette tour antique en moellons dans sa construction, sous le nom de « tour de la Chître ». Agrandi pendant des siècles à partir de cette base et de la « tour de l’Arbalesteyre » côté nord en 1080 – l’actuel Carrefour City. C’était un donjon implanté à 40 mètres en avant du rempart de la future Porte Cailhau, sous forme d’une grosse tour rectangulaire de 18 x 14 mètres sans escalier intérieur. Son nom était dû à son adossement à une caserne où logeaient les arbalétriers royaux.

Une grande salle fut construite en 1254, un châtelet que l’on peut associer à la « porte » de 1242, ainsi que la « tour du roi » rebâtie après 1310 au sud, complètent l’ensemble. En tout cas cette construction hétérogène était peu pratique et donnait une impression peu flatteuse : « Nous vîmes le Palais des plaideurs qui consiste en une salle assez médiocre qui a une rangée de piliers par le milieu qui fait deux allées de différente largeur, le tout sale et malpropre, de même que les chambres qui sont petites, obscures et sales, presque autant qu’à Poitiers » Claude Perrault.

Le château fut encore agrandi et sa défense renforcée à la veille de la guerre de Cent Ans, même si cela n’empêcha pas la chute de l’Aquitaine anglaise et de Bordeaux en 1453. Pendant la Révolution française le palais et la place prirent le nom de Brutus référence à l’Antiquité assez courante à cette période.

Le Palais abritait la Cour mais aussi les Bureaux du Sénéchal de Gascogne et de la Connétablie (l’administration judiciaire et financière de la province à l’époque anglaise). Province qui occupait l’équivalent des régions actuelles de l’Aquitaine, l’ouest Midi-Pyrénéen, Limousin, et le Poitou-Charentes. Après le rattachement à la Couronne de France, le Parlement de Guyenne / Parlement de Bordeaux y siégea de 1462 jusqu’à la Révolution. On estime qu’au XVIème siècle la Justice faisait vivre environ 10 000 personnes. Au sommet se trouvaient les présidents et les conseillers, anoblis par leur charge, qui constituèrent de puissantes dynasties. Au-dessous le monde des huissiers, greffiers, receveurs des taxes, secrétaires, ainsi que les notaires et les avocats accompagnés de leur personnel. Par exemple, Michel de Montaigne et Etienne de La Boétie y travaillaient !

Ce Parlement bordelais a constitué un rôle politique constant et majeur jusqu’en 1790. Au temps des guerres de Religion, il a contribué à maintenir la ville dans l’obédience catholique et la fidélité au roi, puis par la suite n’a cessé de le contester. Pour la population bordelaise il s’agissait d’un lieu où la Justice n’en portait bien souvent que le nom, et avait le goût amer du sang versé lors des exécutions publiques sur la place, ou sous la torture dans les geôles infâmes qu’il abritait. Rancuniers et ruinés, les gascons décidèrent de ne pas payer sa reconstruction et son entretien – suite aux incendies de 1597 et 1704 – et fut entièrement démoli en 1800, la rue de l’Ombrière a été ouverte à sa place !

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